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Jacques OUDIN
> lundi 22 juin 2015

Coopération internationale décentralisée : la loi Oudin-Santini fête ses 10 ans

Depuis 2005, la loi OUDIN-SANTINI permet aux collectivités territoriales de consacrer 1% de leur budget en eau et assainissement à des opérations de coopération décentralisées. Les agences de l’eau sont également concernées par ce dispositif législatif. Elles additionnent leur aide financière aux projets de coopération mis en œuvre par les collectivités de leurs bassins.

Depuis 2005,  les investissements publics et les partenariats de coopération décentralisée, affichent une croissance continue. Si le bilan national de l’année 2014 tend à montrer un ralentissement  du processus, cela ne se vérifie pas sur le bassin Rhône Méditerranée Corse :  

Avec 75 projets financés par L’agence de l’eau, les collectivités de Rhône-Méditerranée et de Corse sont parmi les plus dynamiques sur ces enjeux. L’agence en apportant une aide de près de 4,4 millions d’euros vers ces projets, est d’ailleurs en passe d’atteindre  son objectif à utiliser pleinement le 1% de son budget qui lui est autorisé.

Revenons avec Jacques Oudin, sénateur, président-fondateur du Cercle français de l'eau fait le point sur la dynamique enclenchée par la loi votée en février 2005, dont il est le co-auteur. Grand entretien...

 

Dix ans après la promulgation de la loi pour l’eau et la coopération internationale que vous avez initiée, tirez-vous un bilan des actions conduites en la matière ?

L’action internationale s’inscrit dans les réflexions engagées dans le cadre des forums mondiaux de l’eau, organisés tous les 3 ans depuis 1997. A chaque étape, des progrès formidables ont été effectués dans le cadre des réflexions et des actions sur la politique internationale dans le domaine de l’eau. La reconnaissance en 2010, par l’ONU; du droit à tous à un accès satisfaisant à l’eau et à l’assainissement est essentiel. Sans eau, pas de vie, et sans assainissement, les risques épidémiques sont démultipliés.

Il convient aujourd’hui d’accélérer sa mise en œuvre. Une trop grande part de l’humanité n’a pas d’accès, ou un accès médiocre, à une eau de qualité, et quasiment pas d’assainissement.

 

Le contexte international permet-il d’accélérer la mise en œuvre de ce droit ?

Au cours des dernières années, les pays les plus demandeurs, qui sont les plus arides, pour lesquels le stress hydrique est dramatique, connaissent une gouvernance qui se détériore. Je pense à des pays du Sahel ou même certains pays du Moyen-Orient. Ils sont sujets à des troubles qui entravent l’action des associations et des ONG. Dans certains pays, les accès deviennent même impossibles. Le problème de l’eau sera d’autant plus résolu que la paix sera revenue.

 

Comment évaluez-vous le rôle de la France en la matière ?

Le 1% a été un grand pas en avant. Il s’agissait de formaliser le soutien que les consommateurs des pays les mieux pourvus allaient accorder aux populations des pays les moins bien pourvus : c’était un acte de solidarité internationale, la France a été pionnière en la matière.

Depuis, nous avons vu apparaitre un double mouvement : la montée en puissance de l’aide des acteurs locaux et le tassement des aides publiques internationales. Globalement, on ne peut pas dire que le bilan des actions internationales soit entièrement positif, mais les acteurs locaux ont pris une place importante dans ce dispositif.

Avec ce 1%, la France dispose de deux grands leviers  : l’Agence Française de Développement qui consacre environ 20 millions de subventions à l’action internationale, et les acteurs locaux, avec les agences de l’eau, qui sont montées en régime pour atteindre environ 20 millions de collectes par an.

Depuis l’an passé, la croissance s’est tassée : les élections des collectivités en France et la situation des pays du sud, telle qu’évoquée plus haut, expliquent cette stabilisation.

 

Que peut-on faire pour l’avenir ? quel appel à mobilisation des collectivités feriez-vous aujourd’hui ?

Durant les dernières années, nous avons contacté de nombreuses catégories de collectivités. De ce travail et de ces échanges, on peut tirer un certain nombre d’enseignements. D’abord, le rôle des agences de l’eau est essentiel, le « 1% » de leur budget qu’elles consacrent à l’aide internationale est considérable. Ensuite, leur rôle est majeur : elles sont en capacité de conduire des actions opérationnelles, humanitaires, et mènent des actions au niveau de la gouvernance de l’eau, ce que peu d’acteurs peuvent faire. En matière de gestion de réseaux, de schémas d’aménagements à la gestion des eaux, des schémas directeurs, elles transmettent une méthodologie aux acteurs locaux. Des méthodes que nous avons mis des décennies à mettre au point, et qui présentent de bons résultats.

Deuxième enseignement : il ne faut pas trop compter sur les petites collectivités, pour lesquelles l’action internationale est complexe, et qui ont souvent peu de moyens pour financer une action complète. Nous fixons donc une priorité à mobiliser les grandes collectivités, agglomérations et métropoles. Celles-ci disposent des équipes, des moyens, des compétences et, pour certaines, de la volonté politique de le conduire ce type d’actions. Autour des métropoles, les petites collectivités ont la possibilité de s’agréger aux projets proposées. C’est le cas par exemple à Lausanne, où une quarantaine de communes se fédèrent et participent à une vaste action collective.

Seconde priorité : mobiliser les syndicats d’eau. Ces acteurs, moins connus du grand public, ont pour certains été moteurs d’action d’envergure. Or, à l’heure actuelle, les budgets accordés par ces acteurs pour l’action internationale est plutôt de l’ordre de 0.1%, il y a donc une marge de manœuvre substantielle jusqu’à 1%.

 

Dans un contexte socialement difficile, les métropoles françaises peuvent-elles vraiment être mobilisées sur des préoccupations plus lointaines ?

C’est toujours la même problématique. Le slogan « La Corrèze avant le Zambèze », des années 50 est toujours d’actualité. On peut faire du repliement sur soi, c’est évident. Mais est-ce vraiment la solution ? Dans les métropoles vivent souvent des communautés qui viennent de pays « qui ont soif ». : le Mali, le Sénégal, des communautés plus lointaines… Les coopérations peuvent créer des liens, et souvent les liens se créent à partir de cette présence.

Ce n’est pas parce qu’on est en manque de quelque chose qu’on ne peut pas partager ce qu’on a. C’est une philosophie.

 

Quid des petites collectivités ?

Il est plus facile pour elles de participer à une action collective, ou de mener une action particulière. L’intérêt du 1% prend tout son sens. L’important, n’est pas le 1% lui-même, c’est très souvent l’effet de levier qu’il génère. Je citerai l’exemple d’une commune de 35.000 habitants qui a affecté 47.000 euros à une action internationale. Grâce à cette subvention, elle a pu lever 4.9 millions d’euros pour un programme dans le sud marocain, qui a suscité l’intérêt de la Banque Mondiale et d’autres organismes financiers. Avec une volonté réelle, on peut aboutir à des résultats tout à fait exemplaires

 

Vous fixez-vous de nouveaux objectifs ?

De nombreuses actions ont déjà été engagées : il y a, par exemple, le Conseil Mondial de l'Eau, qui organise le Forum Mondial de l’Eau. C'est un acquis mais nous devons aller plus loin ! Il serait souhaitable qu'une organisation dépendante de l'ONU puisse s'impliquer pleinement dans ce domaine pour relever des objectifs majeurs du développement durable au niveau mondial.

Avec la croissance démographique, l'augmentation des besoins et des consommations, la croissance des pollutions, les évolutions climatiques, les " batailles " de l'eau sont loin d'être gagnées .

Mots-clés : Jacques Oudin

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