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Martin Guespereau
> mardi 28 avril 2015

Changement climatique et eau : assez parlé d’incertitudes, parlons concret

La conférence des parties au protocole de Kyoto va faire escale à Paris en décembre pour sa 21ème édition depuis 1997. C’est la 21ème fois qu’on nous promet de déboucher sur un grand accord contraignant à 196 pays pour sauver notre climat ! Gageons que cette fois-ci soit la bonne mais changeons surtout de route et venons-en aux actions pour que l’eau ne soit pas oubliée dans les débats.

Le changement climatique avance à marche forcée et il nous a déjà coûté plusieurs semaines de ski en moyenne montagne, fait avancer les vendanges d’un mois, fait baisser les débits des cours d’eau l’été et les scientifiques nous promettent -30% de débit dans le puissant Rhône l’été en 2050. On en sait bien trop pour ne pas agir.

Commençons donc par le commencement : prenons les mesures d’adaptation qui nous concernent et n’attendent que nous. C’est seulement alors que nous pourrons partir à la construction d’une pyramide d’engagements, avec les collectivités et les entreprises à la base, et, ultimement au sommet, le grand accord mondial tant désiré.

Parler d’adaptation était tabou jusqu’ici parce que cela vous classait immédiatement parmi les nouveaux climato-sceptiques qui avaient abandonné le noble combat qui consistait à arrêter le climat à +2°C. Depuis, l’humanité a raté l’objectif et le GIEC a sorti en mars 2014 son premier rapport entièrement dédié à l’adaptation. La voie est libre et la conférence de Paris pourrait bien marquer sur ce thème une de ses plus belles avancées.

40% du Sud-Est de la France en déficit d’eau

Nous en sommes à l’heure de lancer les premières actions concrètes dans nos territoires. Chacun pense à l’eau qui va manquer l’été tandis qu’un soleil de plomb aura desséché les sols. C’est assez exact mais c’est sans compter le facteur aggravant que sont les gaspillages monstrueux d’eau actuels. Ils ont réussi à mettre en déficit d’eau 40% du Sud-Est de la France. Les villes dans lesquelles un litre sur deux se perd avant d’arriver au robinet sont nombreuses ; l’agriculture française est en retard sur la conversion au goutte-à-goutte, une solution qui peut pourtant diviser par 10 la consommation d’eau par rapport aux irrigations traditionnelles qui ont toujours cours. Cela ne passera plus avec le changement climatique.

Des solutions simples à portée de main

Plus révolutionnaire, nous allons maintenant devoir retenir l’eau dans nos territoires. Nous avons passé des décennies à drainer nos sols, bétonner nos villes, raccourcir les cours d’eau et bloquer l’eau entre des digues bien étroites. Nous pouvons recreuser nos fossés en ville et les verdir, prévoir des mares temporaires, nous mettre aux « jardins de pluie » comme les Australiens, ou encore ouvrir des brèches dans des digues pour réalimenter des zones humides d’infiltration des eaux. Nos nappes seront notre meilleur frigo d’eau fraiche pour les futures canicules. Le plus intéressant c’est que ces solutions simples d’infiltration de l’eau vers les nappes peuvent aussi nous faire gagner de l’argent : à Montpellier la gestion des eaux de pluie sur une zone de 3 ha de l’opération campus a été mise en « 0-rejet » vers les égouts et elle s’est révélée 7 fois moins chère que le tout à l’égout traditionnel ! C’est pourtant cette mauvaise solution que nos logiciels mentaux préfèrent le plus souvent.

Les autorités locales se prennent en main : une première en France

Ces mesures sont au cœur d’un plan de bassin d’adaptation au changement climatique que les 7 grands responsables territoriaux du Sud-Est de la France, les 5 présidents de région, le préfet coordonnateur de bassin Rhône-Méditerranée et le président de comité de bassin viennent de signer ensemble. Ils ont même fixé une échéance, à 2030, pour remettre les réseaux d’eau potable en bon état et demandé aux communes de prévoir dans leurs plans locaux d’urbanisme de compenser toute nouvelle imperméabilisation par une infiltration d’eau supérieure vers la nappe (par des fossés typiquement). Face à l’urgence du climat, cette union des responsables est une première en France, une brique concrète à l’adaptation de notre pays.

C’est comme cela que nos territoires passeront le cap du changement climatique. Et ça marche, parce que c’est réaliste. Ces solutions mettent en avant les acteurs existants. Alain Juppé a lancé un vibrant « appel de Bordeaux » remarqué en janvier dernier qui promet un « rôle moteur des territoires pour la réussite de la conférence de Paris et l'importance de leur donner une place stratégique au titre de l'agenda des solutions » et demande qu’on soutienne « les mécanismes permettant de renforcer l'action locale et régionale, notamment dans les pays en développement, et les partenariats ». Ces solutions réalistes ne demandent effectivement rien d’autre que d’utiliser les systèmes actuels de financement en les réorientant. L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a financé ainsi en 2014 un niveau record d’économies d’eau de 70 millions de m3par an grâce à un appel à projet, soit la consommation d’une ville d’un million d’habitants.

Les gaspillages reculent là où l’action pousse. 

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