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> jeudi 04 décembre 2014

Fin des travaux du barrage des Plats, sur la Semène, dans la Loire

Conservation de la biodiversité : 0 Adaptation aux changements climatiques : 0 Syndicat des barrages et Bouygues : 1

Le vendredi 19 septembre 2014, Marc Petit, maire de Firminy et président du Syndicat des Barrages a annoncé la prochaine mise en eau du nouveau barrage des Plats, sur la commune de St Genest Malifaux, en plein Parc Naturel Régional du Pilat. Le gros des travaux, réalisé par l’entreprise Bouygues est terminé et, pour la première fois depuis le lancement du chantier en 2012, le Syndicat des Barrages communique sur cet ouvrage inutile et imposé reconstruit sur la Semène, la plus belle rivière du département de la Loire.

Un barrage qui déchire plus encore le tissu de la biodiversité.

Le Collectif Loire Amont Vivante, qui regroupe une dizaine d’ONG ainsi qu’ERN-SOS Loire Vivante et le REN Haute-Loire (et Rivières Sauvages ?) tiennent à rappeler que la Semène, dernière rivière sauvage de la Loire héberge des espèces protégées, comme des loutres, des écrevisses à pieds blancs. Cette « rivière joyau » abrite aussi une population relictuelle de la rarissime moule perlière, une des naïades les plus me- nacées de notre pays, symbole d’une qualité de l’eau devenue rare en ces temps d’agriculture industrielle, d’excès de nitrates, d’abus de pesticides et d’élevage hors sol. A ce seul titre, elle aurait du être intégrale- ment classée en « réservoir biologique  ». C’est ce qu’avait proposé l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, dans le cadre de la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l’Eau qui impose aux Européens de restaurer et protéger leurs milieux aquatiques. Mais quelques élus locaux ont bloqué le classement, avec l’appui de l’Etat local. Dans le sud du département de la Loire, la biodiversité, c’est une valeur 0.

Un barrage qui affaiblit notre capacité d’adaptation  aux changements climatiques.

La diversité biologique n’est pas tout. Perdre des gènes, des espèces, des écosystèmes n’est pas la seule menace. Il en est une autre, préoccupante : celle du dérèglement climatique, devenu une certitude pour la plupart d’entre nous. Pour répondre, nous devons d’abord réduire les émissions de gaz à effets de serre, tâche considérable pour nos sociétés droguées au pétrole, au charbon et au béton, la production de ciment

 

étant une source importante d’émission de CO2. Nous devons aussi limiter les effets du dérèglement, donc augmenter la résilience des écosystèmes et de nos sociétés, en stoppant l’altération desforêts, océans, rivières, zones humides souvent déjà dégradés. Pour cela, nous pouvons, comme nous y a invités dès 2005 l’ONU et son « Millenium Ecosystem Assesment », nous appuyer sur les « services écosystémiques  » que rendent des écosystèmes en bon état. Nous savons en effet aujourd’hui que le bon fonctionnement d’une ri- vière et de son bassin versant est une garantie pour fournir, quasi gratuitement, un bien aussi essentiel qu’une eau potable de qualité. Et, ce bon fonctionnement ne passe pas par le béton.

Sur le bassin de la Semène, l’adaptation aux changements climatiques, c’est une valeur 0.

L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse fait la course en tête.

Il est donc indispensable, dans un pays et une Europe qui ont massivement artificialisé des milieux aquatiques menacés par le dérèglement climatique de veiller à leur restauration. C’est ce qu’a compris le bassin du Rhô- ne qui, après la réalisation d’une étude prospective pilote sur l’adaptation au changement climatique par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse, a lancé un « Plan d’adaptation au changement clima- tique » sur le bassin . Pour ce qui touche à la disponibilité en eau, le plan validé par l’agence recommande les économies d’eau, le partage, l’optimisation, demandant « de favoriser la rétention naturelle de l’eau », de passer d’une « gestion traditionnelle par l’offre » à une « gestion par la demande (maîtrise des besoins) ». Pour ce qui touche à la biodiversité, l’agence invite à « restaurer l’hydrologie fonctionnelle, la connectivité et la morphologie des cours d’eau (…) à reconquérir des espaces de bon fonctionnement des cours d’eau identifiés comme prioritaires ». Bref, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse indique que « le bon état des eaux s’impose comme un pré-requis indispensable pour faire face aux impacts du changement climatique ».

Pour réussir la transition écologique, ne pas remplir le barrage obsolète des Plats.

Préserver le « capital rivières  », « Sauver  l’eau », c’est donc faire toute autre chose que des barrages. C’est, pour les élus d’une République qui s’apparente encore souvent à une République de la connivence, s’ap- proprier les acquis de la science des fleuves. C’est sortir d’une pure logique d’artificialisation pour s’appuyer sur la rationnalité émergente d’aujourd’hui qui interroge la place des barrages dans la gestion de l’eau et met en avant le rôle des hydrosystèmes. C’est, pour les ouvriers et ingénieurs de Bouygues, mettre leur compétence, leurs moyens au service de la restauration écologique des fleuves, non de la poursuite de leur dégradation.

 

Un type d’aménagement de nos fleuves est à bout de souffle, ainsi qu’un type de conception archaïque de définition de l’intérêt général, qui méprise les citoyens, les ONG, les acquis de la science, l’équité écono- mique. Certains nient cette évolution, voire cette mutation, comme le montre la violence imposée par quelques élus et l’Etat pour construire la retenue d’irrigation de Sivens dans le Tarn. Passer en force, quand la Conven- tion d’Aarhus, la Directive Cadre sur l’Eau, notre Constitution, le Code de l’Environnement invitent à protéger l’Eau, source de vie, à réfléchir, à partager, à prendre le temps de faire des choix partagés est un non sens. Dans ce moment crucial de transition écologique que vivent nos sociétés industrielles, il est indispensable de résister à tous ceux qui ensevelissent sous le triste béton l’eau qui court, libre, et qui nous fait vivre.

Il nous faut donner, tous ensemble, de la valeur à la biodiversité, à la lutte contre le dérèglement climatique.

 

Il ne faut pas remplir le barrage des Plats, réservoir d’un autre âge.

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