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La rivière Doubs
> mardi 12 juillet 2016

Une campagne estivale inédite de mesure de la pollution des rivières

L'Inra, en collaboration avec les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), les Agences de l'eau et des Bureaux d'études privés, lance une campagne inédite de mesure de l’état de santé de plusieurs cours d’eau français (Loire, Doubs, Vienne, Ardèche, Meurthe, Adour). Une méthode innovante d’identification (dite métabarcoding) basée sur le séquençage massif de l'ADN des diatomées (des algues microscopiques indicatrices de la qualité des eaux) présentes dans les cours d’eau va être testée dans cet objectif. Plus de 150 échantillons seront prélevés et permettront de comparer les données obtenues par séquençage massif et par identification classique des espèces au microscope. Les résultats seront disponibles à partir de 2017.

Les diatomées sont des algues microscopiques possédant une enveloppe externe en silice transparente et rigide (le frustule), caractéristique de chaque espèce, et dont il existe plus de 100 000 espèces dans le monde. Dans les cours d'eau et les lacs, ces algues se développent notamment en formant un « biofilm » (très fine pellicule constituée d’une communauté de micro-organismes) à la surface des substrats immergés. Grâce à leur sensibilité à la pollution de l’eau (enrichissements en nutriments et en matière organique notamment), les diatomées constituent d’excellents bioindicateurs de la qualité des milieux aquatiques. C’est pour cette raison que la Directive Cadre européenne sur l'Eau (DCE[1]), qui a notamment pour objectif l’atteinte du bon état écologique des milieux aquatiques, préconise l’utilisation de ces micro-organismes pour évaluer l'état de santé des milieux d'eau douce. A l’heure actuelle, des méthodes normalisées sont déployées uniquement sur les cours d’eau (indice biologique diatomées ou IBD). Elles sont basées sur des prélèvements de biofilms réalisés en rivières pendant l'été, qui sont ensuite observés au microscope pour identifier et dénombrer les différentes espèces présentes. Le niveau de pollution du milieu échantillonné est ensuite évalué en calculant des indices de qualité qui combinent l'abondance des espèces avec leur tolérance vis-à-vis de la pollution.

 

Evaluer la pollution à partir de l'ADN des diatomées

Depuis 2010, les équipes scientifiques du Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques et les Ecosystèmes limniques (Unité CARRTEL, Inra-Université de Savoie-Mont Blanc) et de l’unité Biodiversité, gènes et communautés (Unité BIOGECO, Inra-Université de Bordeaux) développent une méthode d'identification basée sur l'ADN des diatomées (métabarcoding). Leur innovation est basée non seulement sur l'utilisation de petits fragments d'ADN (barcodes) caractéristiques des espèces de diatomées qui sont issus du séquençage massif des biofilms, mais également sur une technologie originale de traitement des données massives produites par le séquençage haut-débit.

En 2014, les équipes de l’Inra ont validé leur technologie par une étude sur les cours d’eau menée à Mayotte[2]. Ils ont également récemment publié une base de données, nommée R-Syst::diatom (http://138.102.89.206/new_rsyst_alg/), riche de plus de 5 000 spécimens et qui permet d’identifier les diatomées à partir de séquences moléculaires.

2016 : une grande campagne sur les rivières de France

Chaque année, des prélèvements sont effectués dans différents cours d’eau pour évaluer leur niveau de pollution. Cet été, la campagne est inédite : l'Inra, en collaboration les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, les Agences de l'eau et des Bureaux d'études privés, va tester cette nouvelle technologie à l'échelle du territoire français. Une vingtaine de personnes va prélever entre les mois de juillet et septembre 2016 plus de 150 échantillons de biofilms dans des cours d'eau emblématiques de France : la Loire, le Doubs, la Vienne, l'Ardèche, la Meurthe et l'Adour. L'objectif est de comparer les mesures de pollution obtenues par microscopie et par séquençage massif de barcodes ADN. Disponibles courant 2017, les résultats de cette campagne permettront de valider ou d’améliorer cette nouvelle méthode d’évaluation de la qualité des milieux aquatiques. De plus, certains cours d'eau présentant une biodiversité particulière pour les diatomées vont être échantillonnés pour mieux protéger ces milieux encore indemnes de pollution.



[1] http://ec.europa.eu/environment/water/water-framework/index_en.html

[2] Kermarrec L., Franc A., Rimet F., Chaumeil P., Frigerio J.M., Humbert J.F. & Bouchez A., 2014. A next-generation sequencing approach to river biomonitoring using benthic diatoms. Freshwater Science, 33, 349-363.

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