Son marais retrouvé, la Lemme s’épanouit
Sur le plateau du Grandvaux, dans le Jura, à quelque 830 m d’altitude, la Lemme sinue tranquillement au coeur d’un marais de 60 ha bordé de tourbières, le Châtelet. Les fleurs, papillons et insectes propres à cette zone humide n’avaient pas été aussi à leur aise depuis longtemps… Quant aux truites, elles semblent retrouver des conditions favorables à leur reproduction. Cela n’a pas toujours été le cas.
Il y a à peine quatre ans, la Lemme était encore l’une de ces rivières rendues rectilignes, dès le Moyen-Âge, pour tenter de gagner des terres cultivables. Tout un réseau de drains asséchait également le marais. "De ce fait, le cours d’eau connaissait un étiage sévère, son lit s’était enfoncé et les espèces piscicoles en souffraient", raconte Anne-Sophie Vincent, directrice adjointe du Parc naturel régional (PNR) du Haut-Jura. C’est pourquoi, à la fin des années 90, le parc a lancé un grand projet pour le Châtelet : redonner à la Lemme ses méandres et son marais, pour que celui-ci joue à nouveau son rôle de zone-tampon absorbant l’eau l’hiver, la restituant à la rivière l’été, et protégeant l’aval des inondations.
"Il a fallu 10 ans pour convaincre les élus, les propriétaires fonciers et les partenaires financiers (Ndlr : 400 K€ financés à 90% par l’agence de l’eau, la Région Franche-Comté, le Département du Jura, la fédération de pêche et EDF), poursuit-elle. Puis des études de documents anciens, des relevés topographiques au sol et même par avion (technologie Lidar) ont permis de retrouver l’essentiel des méandres naturels de la rivière". De 2011 à 2013, des travaux ont ainsi permis de « reméandrer » 4,8 km de cours d’eau, de boucher 2,5 km de lit dégradé et de neutraliser 2 km de drains. Avec moult précautions, une entreprise locale spécialisée a bouché le lit rectiligne et recreusé le nouveau, pour la Lemme comme pour trois de ses affluents. Ces nouveaux lits ont été volontairement sous-dimensionnés, pour que la rivière se les aménage elle-même, à son gré. Enfin, des cailloux de diverses granulométrie lui ont été offerts, afin qu’elle les emporte et érode ses berges.
"La communication a été essentielle", assure la directrice adjointe, qui se souvient d’avoir reçu l’appel d’un directeur de communauté de communes voisine, affolé de voir une pelleteuse dans cette zone naturelle. Réunions, expositions et animations avec les scolaires font ainsi partie du projet. Mais rien ne vaut, pour être convaincu, la vue de la vie qui reprend dans la Lemme : "Dès l’été suivant, les pêcheurs l’ont constaté", assure Anne-Sophie Vincent. Des suivis scientifiques seront engagés à l’automne prochain et comparés avec l’état initial."Ce chantier a été long à conduire, mais à présent, il nous sert d’exemple, ajoute-t-elle. Nous n’avons plus à convaincre et nous le reproduisons sur d’autres cours d’eau ". Au total, le PNR du Haut-Jura a déjà reméandré ainsi 7,5 km de rivières, redonnant vie à 130 ha de zones humides… "Une ampleur rare en France", s’enthousiasme Anne-Sophie Vincent.
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