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> mercredi 03 septembre 2014

« L’eau dans la loi sur le développement et la solidarité internationale du 7 juillet 2014 : une occasion perdue et une nouvelle opportunité début 2016 »

L’adoption le 24 juin dernier de la loi sur le développement et la solidarité internationale fixant pour la première fois les orientations et la programmation de la politique de notre pays dans ce domaine constitue une avancée importante.

Le Partenariat Français pour l’Eau a engagé un plaidoyer pour mobiliser les autorités publiques sur l’importance de l’eau dans le cadre de la préparation de cette loi. Cependant, force est de constater que cette dernière constitue un signal faible pour ce secteur dans les perspectives de l’adoption de l’Agenda post 2015 qui engagera la communauté internationale pour les 15 années à venir (septembre 2015) et de la Conférence des Nations unies sur le climat que la France accueillera en novembre-décembre 2015.

 

La loi minimise, en effet, les difficultés au plan mondial et présente un niveau d’ambition qui méritait d’être plus élevé et en adéquation avec les fondamentaux de la politique française.

 

Une opportunité devrait se présenter début 2016 pour améliorer ce texte dans les six mois suivant l’adoption de l’Agenda post 2015. Ce Partenariat mettra toutes les forces de son côté pour y parvenir.

 

  • Une loi qui minimise les difficultés au plan mondial

 

- Que dit la loi ? « Environ 800 millions de personnes ne bénéficient toujours pas d’un accès à l’eau potable satisfaisant» ?

 

En fait, la loi, comme beaucoup d’autres références françaises et internationales, confond « accès à un point d’eau amélioré » et « accès à l’eau potable ».

 

L'accès à un point d’eau amélioré indique que l’eau consommée par les populations provient d’un point d’eau protégé des risques de pollutions animales. Cela ne prend pas en compte la potabilité de l’eau, le temps pour y accéder et la fonctionnalité du service.

 

Si l’on parle d’accès à l’eau potable, la situation est beaucoup plus alarmante puisque, selon l’Organisation mondiale de la Santé et l’UNICEF, en 2014, 1,8 milliard de personnes dans le monde utilisent une source d'eau qui contient des germes pathogènes. D’autres sources internationales n’hésitent pas à indiquer que de 2 à 4 milliards de personnes consomment chaque jour une eau non potable, dangereuse, voire mortelle (UN Water, 2012).

 

  •  Une loi qui méritait d’être plus à la hauteur des enjeux à l’international dans les priorités retenues

 

- Que dit la loi ? « Trois priorités sont retenues : i) appuyer la définition de cadres sectoriels nationaux clairs et efficaces; ii) gérer la ressource en eau de manière durable ; iii) soutenir des services d’eau et d’assainissement performants et durables, en favorisant une gestion publique et collective de ce bien commun » ?

 

L’expérience française de longue date montre que la ressource en eau doit être gérée sur le long terme à l’échelle des bassins versants de façon intégrée, durable et en respectant les écosystèmes et la biodiversité, en prenant en compte tous les usages (agricoles, domestiques, énergétiques, industriels, touristiques…). Il eut été utile d’intégrer dans ces trois priorités ce principe reconnu universellement, notamment avec l’entrée en vigueur en août 2014 de la convention des Nations unies sur la gestion des bassins transfrontaliers.

 

Ces priorités auraient gagné aussi à clairement identifier le changement global et climatique comme une contrainte à prendre en comptedans les politiques et projets à venir en anticipant surles risques de catastrophes (inondations, sécheresses, épidémies).

 

Les chiffres officiels montrent en effet que d’ici 2025, les 2/3 de la population mondiale pourraient être affectés par des situations de stress hydrique, de nature à compromettre le respect du droit universel d’accès à l’alimentation (UNESCO, WWAP, 2006), 1,8 milliards de personnes vivront dans des régions où les nappes souterraines seront surexploitées (FAO, 2007) et qu’à la fin du 21ème siècle, le nombre de populations soumises à des risques d'inondation pourrait tripler, générant un potentiel important de pertes économiques et des bouleversements sociétaux.

 

Conformément à notre expérience, les priorités fixées dans la présente loi auraient demandé le recours à toutes les solutions de gestion à disposition, ces solutions pouvant impliquer indifféremment les acteurs publics ou privés.

 

Que dit la loi ? «Matrice des indicateurs de résultats : Nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d’eau potable améliorée ; nombre de personnes gagnant accès à un système d’assainissement amélioré » ?

 

En conformité avec la situation réelle mondiale et aux priorités énoncées dans la loi, il eut été utile de disposer également d’indicateurs relatifs à l’accès à l’eau potable, à la lutte contre les pollutions et à la gestion intégrée des ressources en eau.

 

  • Saisir l’opportunité début 2016 de l’adoption de l’Agenda post 2015 pour améliorer la loi

 

Les démarches énergiques des membres du Partenariat Français pour l’Eau n’ont pu aboutir à la prise en compte par le Gouvernement et le Parlement de leurs amendements. Ceci est révélateur d’une priorité trop limitée de leur part pour le secteur de l’eau et sa gestion intégrée pour tous les usages à l’international.

 

Ce Partenariat multi-acteurs, composé de 120 membres publics et privés, dont l’un des mandats vise à voir l’eau rester une priorité dans l’agenda politique mondial, doit poursuivre ses actions de plaidoyer auprès du Gouvernement et du Parlement. Il sera d’autant plus écouté si ses membres restent soudés, si leur base s’élargie et si sa dimension politique est renforcée.

 

Les agences des Nations unies reconnaissent la situation de l’eau dans le monde à sa vraie valeur, ce qui est une avancée récente majeure. Cette reconnaissance devrait déboucher sur l’adoption d’un Objectif spécifique à l’eau dans les priorités que la communauté internationale adoptera lors de l’Assemblée Générale des Nations unies en septembre 2015 (Agenda post 2015*). Des cibles et des indicateurs seront également adoptés.

 

Cette adoption permettra alors aux membres du Partenariat Français pour l’Eau d’agir auprès du Gouvernement, du Parlement et du Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID) qui sera l’organe en charge de l’actualisation et du suivi de cette loi, après consultation du Conseil National du Développement et de la Solidarité Internationale (CNDSI) et des Commissions permanentes compétentes de l’Assemblée Nationale et du Sénat.

 

 

 

Retrouvez toutes les informations sur la mobilisation du PFE sur www.partenariat-francais-eau.fr

 

Pour toute informations complémentaires : hbegorre@mairie-maxeville.fr

 

 

*L’Agenda post-2015 fait suite aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et déterminera les priorités de développement internationales pour les 15 prochaines années. Il sera voté à la fin de l’année 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies.

 

Tribune  d'Henri Bégorre, Président du Partenariat Français pour l’Eau