Barrage des Plats: "l’Etat local renvoie aux calendes grecques la reconquête de la continuité écologique"
Sur la plus belle rivière du département de la Loire, trésor biologique abritant la moule perlière, la loutre, l’écrevisse à pieds blancs, l’Etat local a relancé la dynamique béton. La reconstruction du barrage des Plats, ouvrage poids sans utilité avérée puisque l’approvisionnement en eau potable des communes du secteur est garantie par les ressources existantes, est un non sens.
Mais ici, en plein Parc Naturel Régional du Pilat, sur le haut bassin de la Loire, fleuve pilote à l’échelle international avec son « Plan Loire Grandeur Nature » (1994), l’administration se moque des non sens. Ici, elle laisser harnacher une rivière-joyau en « oubliant » dans les plans de l’ouvrage le dispositif de franchissement pour les poissons légalement obligatoire. Ici, elle considère que le Droit de l’Environnement est facultatif. Ici, elle ignore que l’article 432.6 est bien dans le Code de l’Environnement ! Et ici, la restauration de la continuité écologique des fleuves, nécessaire pour retrouver leur « bon état » que réclame à juste titre l’Union Européenne et sa Directive Cadre sur l’Eau (2000) et la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques de 2006 est aussi incompatible avec le logiciel administratif que les nitrates le sont avec le maintien de la qualité de l’eau.
Restaurer la continuité écologique des rivières : un enjeu majeur.
Partout ailleurs, les collectivités, les institutions qui gèrent l’eau lancent des programmes de restauration de la continuité écologique. Le but est de retrouver un bon fonctionnement des fleuves, qui permet de fournir de précieux services écologiques à nos sociétés. Ces services sont, entre autres, une assurance nécessaire pour permettre l’adaptation aux changements climatiques en cours.
Restaurer la continuité conduit à effacer ou aménager les barrages, seuils inutiles qui fragmentent les cours d’eau. Ces ouvrages altèrent les écoulements, modifient la température et la qualité de l’eau, bloquent le transfert des sédiments, causent l’effondrement des populations de poissons migrateurs. Selon le dernier recensement de l’Onema, l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques, notre pays en compte 77 950, et des dizaines de milliers d’entre eux, comme le barrage des Plats, n’ont plus d’utilité avérée. En 2009, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat au développement durable avait lancé un Plan National d’Actions pour la Restauration de la Continuité Ecologique, avec comme objectif d’effacer ou aménager 2000 ouvrages d’ici 2015, pour la première tranche. C’est aussi une priorité inscrite des 10e programmes des Agences de l’Eau. L’Agence Rhône Méditerranée et Corse y a consacré 20 millions d’euros en 2013. Elle vient notamment d’effacer le grand barrage de l’Ayrette, sur le Rec Grand, dans l’Hérault.
Sur l’Allier, à quelques dizaines de km de la Semène sauvage, EDF va complètement reconfigurer le grand barrage de Poutès, pour donner plus de liberté de mouvement à la dernière population de saumons atlantiques sauvages de longue migration d’Europe. Sur la Sélune, en Normandie, la même entreprise va araser deux grands barrages, Vezins (35 mètres de hauteur) et La Roche qui Boit (14 mètres), pour restaurer un des plus beaux fleuves côtiers du département de la Manche. Sur la Cosanne, en Haute-Saône, 4 ouvrages ont été effacés. Bref, sur tous les territoires français, les acteurs ont compris que le temps de la restauration était venu. Ils investissent en conséquence. Pour l’avenir.
Les Grecs modèles : le barrage colosse sur l’Acheloos vide pour toujours !
A l’est de l’Europe aussi, la continuité écologique importe. La Cour Suprême grecque vient de définitivement condamner le remplissage de l’immense réservoir de Mesochora, sur l’Acheloos. Ce très grand barrage de 100 mètres de hauteur devait permettre le transfert de l’eau pour l’irrigation de 380 000 ha dans la plaine de Théssalie. La population, les ONG, les pêcheurs, les scientifiques, les juristes ont lutté 20 ans contre la construction de cet ouvrage que le gouvernement grec a fait passer en force. L’ouvrage a été construit. Il ne sera jamais rempli. Comme n’a jamais été fini le grand barrage d’Auburn, sur l’American River, en Californie. « Oh The Times They Are A’Changin… », comme chante Dylan.
Ils changent, sauf dans le département de la Loire et dans le département du Tarn où le Conseil Général s’obstine à vouloir construire le grand barrage de Sivens. Sur le bassin du Rhône, sur le Rec Grand, la Cosanne, l’Allier, on écoute ce qu’enseigne la science. On met en oeuvre ce qu’exigent l’Europe, le Ministère de l’Ecologie. On restaure. Mais, dans la Loire, l'état local résiste ! Il veut son ciment d’arrière-garde. Il réclame son grand barrage d’antan. Il rêve de son eau stagnante et croupissante. Il chérit l’illusion du contrôle des rivières. La perte de la biodiversité, la dévalorisation des territoires ruraux par un modèle brutal d’aménagement du passé, il ignore. Le non respect de la Directive Cadre sur l’Eau de l’Union Européenne, du Droit de l’Environnement est ici un sport prisé, dont il se délecte. Mais pas le Collectif Loire Amont Vivante, qui demande à Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, l’arrêt du chantier et l’organisation d’une table ronde pour sortir par le haut de cette situation d’un autre âge.
Pour les femmes et hommes d’aujourd’hui, pour les générations futures, il faut sauver la Semène, il faut amplifier le mouvement nécessaire de restauration de nos fleuves.
© Photo et communiqué de presse: Collectif Loire Amont Vivante
Aucun commentaire