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Nicolas Hulot
> jeudi 26 juin 2014

Agir ensemble pour relever le défi climatique

Le territoire du bassin Rhône-Méditerranée vient de se doter d’un plan ambitieux d’adaptation et de lutte contre le changement climatique. Sous l’impulsion de l’Etat, cinq régions, de la Franche-Comté à la région PACA, en passant par la Bourgogne, Rhône Alpes et le Languedoc-Roussillon, se sont associées pour agir collectivement dans un cadre cohérent. Il s’agit d’une initiative exemplaire.

Même si nous ne nous en rendons pas toujours compte, le dérèglement climatique est un défi mondial qui nous touche chaque jour. Nous le savons : l’activité humaine provoque, avec une certitude évaluée par les scientifiques à 97%, des émissions de gaz à effet de serre qui perturbent les grands équilibres de la planète et ont un impact de plus en plus fort sur notre vie quotidienne.

 

Comme nous l’avaient prédit les spécialistes, nous constatons des températures anormalement élevées qui affectent les écosystèmes. Les changements du climat réduisent la calotte glaciaire, acidifient les océans et font monter le niveau des mers. Ils accélèrent la désertification et provoquent des saisons de sècheresse plus longues et plus dures, ou des pluies plus brèves et plus violentes. Sur tous les continents, des événements « extrêmes » (ouragans, cyclones, tempêtes, typhons) se font plus intenses et se répètent plus souvent.

 

La mauvaise nouvelle, c’est que ces phénomènes climatiques progressent par paliers, avec des effets d’emballement. Leur coût humain est déjà tragique. Ils font des dizaines de milliers de victimes chaque année. A cause d’eux, des populations entières sont jetées sur les routes, privées de logement, d’accès à l’eau et à la santé. Le changement climatique entraîne des tensions allant jusqu’au conflit.

 

En parallèle, l’impact économique de ces changements est considérable. A titre d’exemple, les dommages pris en charge par les assurances aux Etats-Unis à cause des catastrophes dites « naturelles » (elles le sont de moins en moins) ont explosé depuis 30 ans. Leur coût s’élevait en 2011-2012 à 188 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de la Roumanie ! Dans d’autres pays, ce sont des récoltes qui sont détruites ou qui ne peuvent pas sortir de terre, à cause des bouleversements du climat. Des régions entières sont frappées aveuglément, en Afrique, en Amérique latine ou dans les petites îles du Pacifique.

 

Bien sûr, le dérèglement climatique n’est pas le seul défi auquel le monde doit faire face. Mais aujourd’hui, parce que nous n’avons pas su agir suffisamment tôt, il est celui qui conditionne tous les autres enjeux universels. Il ajoute de l’insécurité à l’insécurité, de la pauvreté à la pauvreté, de l’injustice à l’injustice. C’est pourquoi il est si important que tous les acteurs de la communauté internationale se mobilisent.

 

Dans ce sens, la France accueillera en décembre 2015 la 21ème conférence des Nations unies sur le changement climatique (la « COP 21 »). C’est une grande responsabilité pour le monde et pour notre pays. Il s’agit de définir un accord mondial, signé par tous et applicable à 193 pays, pour limiter à 2°C, en moyenne, le réchauffement climatique dans les décennies à venir.

 

Encore une fois, l’enjeu est crucial pour notre avenir et celui de nos enfants. Les scientifiques - qui savent que la période glaciaire qu’a connue le monde il y a 10 000 ans et notre époque actuelle ne sont séparées que par 4°C de différence en moyenne - nous disent que les conséquences d’un changement de plus de 2°C dans les 100 prochaines années seraient insurmontables pour nos sociétés et nos économies. Il serait irresponsable de ne pas les croire.

 

Fin 2015 en France, nous devons donc réussir à faire ce que nous avons raté en 2009, lors du dernier grand sommet de l’ONU sur le climat, à Copenhague. Il y a 5 ans, nous n’avions pas réussi à faire émerger un consensus mondial, indispensable dans le système des Nations unies. Les positions des différents acteurs, en particulier les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (Chine, Etats-Unis, Europe, pays émergents…) étaient trop éloignées. Les dirigeants d’alors n’avaient pas suffisamment pris conscience des conséquences dramatiques du changement climatique, qui nécessitent de « laisser aux vestiaires » certains intérêts nationaux pour prendre en compte l’intérêt général de notre planète.

 

Parviendrons-nous à cet accord en 2015 ? Les négociations restent laborieuses dans toutes leurs composantes : objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, politiques d’adaptation, financement des programmes d’aide internationale. Mais le contexte a évolué depuis Copenhague. Les événements climatiques se sont précipités. Les technologies ont progressé. Les dirigeants montrent des signes d’engagement.  

 

La Chine, premier émetteur de gaz à effet de serre, met en place une politique de lutte contre la pollution (de l’air et des sols) qui laisse espérer une contribution plus ambitieuse dans le domaine climatique. Les Etats-Unis viennent de faire des annonces historiques sur le plan intérieur, en matière de transport et de contrôle des émissions des centrales à charbon. L’Europe, touchée par la crise économique, tente de forger une position commune. D’autres acteurs-clé restent encore sur leurs gardes : le Brésil, l’Inde, la Russie, les Africains, les Etats insulaires… Tous doivent être écoutés et sensibilisés par la future « présidence française » de 2015, bien en amont de la COP21. C’est notamment le sens de la mission d’Envoyé spécial que le Président de la République a bien voulu me confier.

 

La bonne nouvelle, et c’est là une différence capitale avec la conférence de Copenhague, c’est que la mobilisation ne se limite plus aujourd’hui aux Etats et aux ONG. Pour l’accord de 2015, tous les acteurs sont appelés à agir, à prendre leur part de responsabilité. C’est ce que nous appelons « l’Agenda positif », c’est-à-dire la somme des contributions, l’ensemble des solutions, que les acteurs de la société peuvent apporter aux négociations climatiques, pour montrer qu’un autre futur est non seulement possible, mais qu’il est désirable.

 

Dans le secteur public ou dans le secteur privé, chacun à notre niveau - local, régional, national, européen ou international, individuel et collectif - nous faisons tous partie de la solution. Car la lutte contre le dérèglement climatique est aussi une formidable source d'opportunités. A la nécessité de dépolluer notre planète et de libérer nos sociétés et nos économies de leur dépendance aux énergies fossiles correspond un potentiel considérable d’emplois, d’investissements, de croissance. Cela vous semble utopique ? Regardez autour de vous : vous verrez un foisonnement d’innovation et de créativité, qu’il faut encourager et qui nous montre le chemin de l’avenir.

 

Le plan « Eau et adaptation au changement climatique » du bassin Rhône-Méditerranée s’inscrit dans cette dynamique. Il dresse un bilan exhaustif des menaces et des potentiels pour les cours d’eau, les territoires agricoles, les zones industrielles et les villes concernés. Il propose des aménagements et des politiques collectives dont la mise en œuvre représente autant d’opportunités pour les acteurs de la région. Il trace des perspectives de développement durable pour tous les territoires : montagnes, plaines, côtes et villes, en combinant les solutions possibles.

 

C’est un plan à mettre en œuvre, à faire connaître et à suivre. Soyons prêts. 

 

Par Nicolas HULOT,

Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète

 

 

Mots-clés : Nicolas Hulot

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