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Pesticides vignes melons RD AE 035
> lundi 31 mars 2014

Dépolluer l'eau potable des pesticides: un coût de plus de 500 millions d'euros

Quarante-neuf substances interdites de commercialisation en France se retrouvent dans les rivières, et vingt dans les eaux souterraines. Au-delà de leurs incidences écologiques, ces pollutions obligent les distributeurs d’eau à investir lourdement pour fournir de l’eau potable au robinet. Chaque année, les ménages français payent un surcoût exorbitant pour le déplacement des captages ou le traitement des eaux contaminées. Le point sur ce gaspillage trop méconnu avec Martin Guespereau, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.

Les zones d’agriculture intensive (bassin de la Saône, vallée du Rhône, Lauragais dans l’Aude) ou fortement urbanisées (pourtour méditerranéen) et les cours d’eau impactés par l’énergie hydraulique (nord des Alpes) affichent des états écologiques moyens à mauvais. 

 

JOL Press : Que révèle le rapport annuel sur la qualité des eaux ?

 

Martin Guespereau : La dernière édition montre, qu’à nouveau, les pesticides représentent la première cause de déclassement des cours d’eau.

Parmi eux, on retrouve des pesticides interdits à des concentrations non-négligeables, notamment dans le Beaujolais et dans le Roussillon.

L’eau - ou, plus exactement, les sédiments - ont la mémoire longue. Ainsi, l’atrazine, interdite depuis onze ans en France, reste le premier pesticide qui déclasse les eaux destinées à produire de l’eau potable.

Les pesticides interdits le sont pour deux raisons : soit parce qu’ils sont dangereux pour l’environnement, et parfois même pour la santé humaine ; soit à cause de leur caractère rémanent : très « stables », ils ne se dégradent pas, et gîssent au fond des nappes phréatiques.

C’est le cas du DTT, interdit depuis quarante ans, et qu’on retrouve encore régulièrement dans nos analyses [Proscrit en 1972, le DTT pourrait accroître le risque de la maladie d'Alzheimer, selon une étude américaine parue dans le Journal of the American Medical Association, ndlr].

 

JOL Press : Cela signifie-t-il que l’eau du robinet peut être contaminée par les pesticides ?

 

Martin Guespereau : En France, très majoritairement - bien que pas à 100% -, on a une eau sanitaire de bonne qualité. L’eau y est en effet dépoluée avec du charbon actif.

Reste que ces modes de traitement sont très chers. Le ministère de l’Ecologie estime entre 400 et 700 millions d’euros par an le coût que payent les Français pour dépolluer l’eau des pesticides et des nitrates.

La Cour des comptes a également fait le calcul : ne pas polluer reviendrait 2,5 fois moins cher que de laisser polluer et de traiter l’eau ensuite pour qu’elle devienne potable au robinet.

Une commune moyenne ayant une usine de potabilisation, si elle doit, en plus, traiter les pesticides, c’est un million d’euros pièce l’unité de traitement. Donc lorsque vous avez 5000 habitants, un million, c’est très cher…

 

JOL Press : A partir de quand une eau est-elle déclassée ?

 

Martin Guespereau : On classe les cours d’eau en cinq classes, de « bon état » à « mauvais état ». A partir de deux miligrammes de produits phytosanitaires - interdits ou pas d’ailleurs - par litre, on doit cesser d’utiliser l’eau.

Dans certains endroits, on n’est ainsi plus capable de produire de l’eau potable. C’est le cas sur le plateau de Valensole, dans les Alpes de Haute-Provence. Les traitements de la lavande, très forts et qui doivent être renouvelés souvent, ont conduit à la fermeture des captages d’eau potable.

Ce qu’ils tuent sur la terre ferme, les pesticides les tuent dans l’eau également. Ils passent quelque temps sur la terre, puis sont emportés par la pluie, s’infiltrent dans les nappes, et on les retrouve dans les cours d’eau. Là ils détruisent en particulier toute la micro-flore, qui fait le travail d’assainissement. Un cours d’eau s’auto-épure, or c’est cette micro-flore qui est attaquée par les produits phytosanitaires.

Les pesticides, même autorisés, restent des pesticides, des choses qui sont faites pour tuer. On oublie qu’ils restent très peu de temps aux champs et beaucoup de temps dans la nature.

 

Propos recueillis par Coralie Muller pour JOL Press

 

© Photo: Régis Domergue

Mots-clés : Martin Guespereau

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