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Restauration web
mardi 26 août 2025

Le ruisseau qui voulait faire des virages

À Taxenne, dans le Jura, le ruisseau de la Vèze a changé de visage. Ou plutôt, il a retrouvé le sien, en fin d’année dernière, grâce à une opération de reméandrage. Ce projet de restauration écologique entend améliorer sa résilience aux crues et sécheresses, ainsi que restaurer la biodiversité aquatique.

Un matin de décembre 2024, le discret ruisseau de la Vèze s’est mis à serpenter à nouveau dans le village jurassien de Taxenne. Jusque-là, cet affluent de l’Ognon vivait sous contrainte avec son tracé en ligne droite et ses hautes berges. Comme tant d’autres cours d’eau français, il a été redressé à coups de pelleteuses et d’intentions modernisatrices dans le courant du XXe siècle, ainsi que curé régulièrement dans le but de lui dicter son comportement. Ces interventions, bien qu'initialement destinées à faciliter l'écoulement des eaux, ont engendré d’importants désordres écologiques, en particulier la dégradation des habitats aquatiques et la disparition de certaines espèces sensibles : beaucoup plus de sangsues et de larves de moustiques que d’éphémères vivent dans la Vèze. Quant aux truites, vairons et chabots, ils ont déserté depuis longtemps ce petit cours d’eau. Plus rien ne chante, ne grouille, ne frémit. Une détérioration de la qualité du milieu et de l’eau accentuée par certaines pratiques agricoles. « Dans un environnement où les haies ont bien souvent disparu, la Vèze réagit vite en cas de grosses perturbations indique Aurélien Gesell, coordonnateur du Contrat de rivière Ognon au Syndicat de la Vallée de l’Ognon (SVO). Son lit trop encaissé et ses berges trop raides amplifient la fréquence et la rapidité des variations de débit lors de pluie. Cette situation augmente les risques d’inondations à l’aval. Taxenne a d’ailleurs subi une crue en octobre dernier ».

La Vèze retrouve ses méandres, sa paresse et ses débordements bienvenus

La reprise d’un tronçon rectiligne d’un peu plus d’un kilomètre a donc été décidée pour recréer 1 400 mètres de lit méandriforme, avec des courbes douces. « L'objectif principal est de redonner à la Vèze un fonctionnement plus naturel, en supprimant son allure rectiligne et en facilitant ses débordements dans les secteurs sans enjeux, explique Aurélien Gesell. Les berges ont été adoucies, redessinées, ouvertes et terrassées. Quand les prochaines crues surviendront, les eaux se répandront doucement dans les prairies, diminuant ainsi la puissance et la fréquence des crues à l’aval. Ces débordements lents et réguliers favoriseront également l'infiltration de l'eau dans les sols ». Le pont de Taxenne intègre pour sa part, en rive droite, un dalot - l’équivalent d’une deuxième arche - chargé d’augmenter le débit pouvant passer sous l’ouvrage dans certaines situations hydrologiques. « Pour recréer des habitats, nous avons aussi procédé au rechargement du fond du lit en galets et graviers, issus d’une carrière située à deux kilomètres du site, ce qui a permis de le rehausser de 50 centimètres à 1 mètre selon les endroits », poursuit le coordinateur. À partir de juillet prochain, le chantier reprendra afin d’ajuster le cours d’eau et d’assurer les plantations d’espèces locales sur les berges, comme des noisetiers, des saules, des aulnes, des chênes. Remplis par l’eau de la nappe, trois abreuvoirs solaires seront également installés à disposition des vaches pour éviter leur présence dans le cours d’eau. Deux gués seront en outre aménagés, facilitant la traversée de La Vèze et préservant les milieux.

7 kilomètres à reméandrer

Toutes ces opérations sont menées par le SVO, en collaboration avec la Communauté de communes Jura Nord et les élus locaux, dans le cadre du contrat de rivière Ognon. Elles représentent la concrétisation de près de quinze années de discussions avec les riverains de la Vèze, de diagnostics hydromorphologiques, d’études techniques et de concertation avec les propriétaires des terres concernées par les travaux. À Taxenne, certains agriculteurs ont d’abord été sceptiques face à la possible perte des parcelles et la création de zones humides puis se sont approprié le projet. Si ce travail préparatoire a permis l’émergence d’une restauration fondée sur la nature, la solution reste néanmoins incomplète. Le projet s'inscrit en effet dans une démarche plus large, qui prévoit la renaturation de près de 7 kilomètres du cours d'eau dans les années à venir. Mais la réalisation de ces travaux dépend de l'accord des propriétaires riverains, avec lesquels le syndicat mène des discussions pour leur présenter les multiples bénéfices des solutions proposées.

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