> LUNDI 11 AVRIL 2016 |
Erik Orsenna |
Fonction Ecrivain |
Tintin au pays des lônes et des traboules
Erik Orsenna est un curieux insatiable et un infatigable voyageur. Un jour au Groenland pour mieux comprendre la fonte des glaces, un autre à Tarbes pour découvrir le démantèlement d’avions dans le cadre d’une mission sur l’économie circulaire pour le groupe Engie.
22 mars 1947 |
Naissance à Paris |
1983-1985 |
Conseiller culturel à L'Elysée |
1998 |
Election à l'Académie française |
2008 |
Parution de L'avenir de l'eau |
2016 |
Parution de L'origine de nos amours |
Dix jours en Guyane sur le "front du zika" au côté des chercheurs de l’Institut pasteur dont il est ambassadeur, à un autre moment sur la fleuve Paraná, en Argentine et au Paraguay, au titre de président de l’Observatoire des initiatives pour l’avenir des grands fleuves. Un "club" qui réunit à l’initiative de la Compagnie nationale du Rhône les représentants de quatorze fleuves dans le monde comme le Mississipi et le Nil, le Maroni et la Volga, le Fleuve jaune et le Rhône. Ce monde n’est pas étranger à l’écrivain qui navigue entre les mots, dont certains livres composent avec ces fleuves, à l’image de l’Amazone dans L’Exposition coloniale avec lequel il a décroché le prix Goncourt.
Pour cet économiste, "les fleuves offrent des réponses concrètes aux défis de notre temps (…) Leur utilisation raisonnée peut contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement climatique. " Echanger autour des fleuves revient à s’intéresser à la construction des barrages, au développement du transport fluvial mais aussi à la fragilité des deltas, à la salinisation des eaux, aux inondations, à l’irrigation… A l’urbanisme, car comme "la plupart des grandes villes sont construites au bord d’un rivage, de la mer ou d’un fleuve, explique Erik Orsenna, bien gérer un fleuve, ça veut dire bien gérer la ville. " Ces messages, il les porte contre vents et marées souvent. Estimant que les fleuves n’ont pas eu la place qu’ils méritent lors de la COP 21, il a réussi à faire explicitement inscrire cette question à l’agenda de la COP 22 à Marrakech.
Cette cause rejoint le combat plus global sur l’avenir de l’eau. Dans un livre écrit en 2008, il abordait toutes les dimensions relatives à cette ressource : environnemental, géopolitique, économique… "Certaines régions comme le Canada ou la Baltique ont de plus en plus d’eau alors que d’autres doivent la rationner", observe ce spécialiste du Gulf Stream, attentif à la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes qui génèrent ici des inondations meurtrières et là des migrations. Un phénomène "qui ne fait que commencer", selon lui.
Passionné de voile, ce breton d’adoption, d’origine lyonnaise par sa grand-mère maternelle issue d’une famille de soyeux, est aussi un marin d’eau douce.
L’une de ses "plus belles navigations" fut sur le fleuve Brahmapoutre en Inde. "J’y suis resté quinze jours. C’était magique ! s’émerveille-t-il encore. Baigné par la Seine et par la Loire dans son enfance, l’homme des mers découvre aujourd’hui le Rhône, un "fleuve à taille humaine", bordé de cultures, qu’il veut appréhender à vélo sur la ViaRhôna, en bateau entre les lônes, sur les coteaux des grands crus et dans les méandres de la Camargue. Sans oublier de se glisser entre Saône et Rhône, dans les traboules lyonnaises : "J’aime bien la géographie de cette ville, sa profondeur qui me replonge dans des films des années 50, sa physionomie italienne, la confluence."
"Ma vie est une immense traboule, un labyrinthe où on se perd", s’épanche dans une confidence mi-amusée et mi-sentimentale cet arpenteur sans bornes. Une image qui correspond bien à celui qui à cinq ans voulait être Tintin avant de rêver à la destinée d’un Albert Londres. "J’ai toujours voulu savoir pourquoi. Comment ça marche ?", reconnaît l’académicien, élu au fauteuil du commandant Cousteau, qui avoue être d’une "infinie et croissante curiosité". Au sens premier du terme. Il n’a jamais cessé de consacrer sa vie d’auteur et de penseur à relier le monde.