
JEUDI 20 MARS 2014 |
Anne-Marie Levraut |
Fonction Responsable opérationnelle de l’évaluation de la politique publique de l’eau dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Ingénieure Générale des Ponts, des Eaux et des Forêts. |
« Rendre plus lisible le lien entre l’atteinte aux milieux et les redevances »
« Le rapport d’évaluation a montré que le principe « pollueur-payeur », issu de la loi sur l’eau de 1964, marche bien en France. Mais on pourrait aller plus loin pour renforcer son caractère incitatif, ce qui suppose de modifier la loi.
Les redevances pour pollution domestique sont depuis la loi sur l’eau de 2006 assises sur le volume d’eau potable consommé, et non plus sur la pollution émise. Le consommateur ne voit pas le lien entre la pollution rejetée et ce qu’il paie. On pourrait redonner un signal fort au gestionnaire du service public d’assainissement en le rendant redevable et en calculant sa redevance sur la base de la pollution rejetée au milieu, comme pour les industriels. La prime pour épuration n’aurait plus lieu d’être (puisqu’elle serait intégrée en redevance négative) et ceci contribuerait au rééquilibrage de la contribution des différentes catégories d’usagers. En termes d’acceptabilité, c’est crucial.
On s’est aussi éloigné du principe pollueur-payeur en lissant la redevance des industriels sur la pollution annuelle. Cela revient à déconnecter la redevance de l’impact sur le milieu en éliminant du système les industries saisonnières qui peuvent pourtant être très perturbatrices.
D’autres redevances ne sont pas assez incitatives, c’est le cas de la redevance pollution diffuse. 1 kg de pesticides à éliminer dans une station de potabilisation coûte 60 000 €, alors que le montant moyen de la redevance est de 3€/kg. Même si les substances ne se retrouvent pas en totalité dans les rivières et les nappes, il y a un trop grand décalage entre les coûts potentiellement engendrés et le niveau de la redevance.
D’autres ajustements seraient bénéfiques pour limiter l’impact des activités sur les milieux : taxer les rejets d’azote minéral car on sait que l’eutrophisation des rivières est souvent liée aux engrais minéraux ; revoir le calcul de la redevance élevage en substituant la tête d’animal par les kg d’aliments du bétail achetés afin de ne pas pénaliser l’élevage extensif ; abaisser à 2 m le niveau des obstacles sur les cours d’eau pris en compte dans le calcul de la redevance, notamment sur les cours d’eau classés, les problèmes de continuité sur les rivières étant une des premières causes de leur déclassement.
Je crois profondément au système des agences de l’eau. La collectivité dans son ensemble a besoin de cet outil qui permet de concentrer les compétences, de faire vivre une communauté d’intérêt sur les territoires et de conserver le principe « l’eau paie l’eau ». C’est un système vertueux pour l’eau. »